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Travail - Trois siècles de travail salarié en Saskatchewan

By: J.W. Warren

Maîtres et serviteurs : l’emploi dans le commerce des fourrures

Depuis le début des années 1700 jusqu’au cours des années 1840, un emploi avec une compagnie de fourrures comme la Compagnie de la baie d’Hudson (CBH) ou la Compagnie du Nord-Ouest (CNO) était pratiquement la seule occasion de trouver un travail salarié dans la partie nord-ouest du Canada. La main-d’oeuvre n’était pas grande : en 1820, à l’apogée du commerce des fourrures, moins de 2 000 salariés étaient employés par ces compagnies – une minorité insignifiante au sein d’une population autochtone qui atteignait sans doute les centaines de milliers. Les salariés du commerce des fourrures étaient presque tous mâles ; on ne connait qu’un exemple de femme qui travailla pour la CBH, déguisée en homme et finalement trahie par une grossesse. Dans le parler de l’époque, on appelait les employés de la CBH des servants (serviteurs) ; la CNO, basée à Montréal, préférait le terme français d’engagés. Les patrons de la CBH étaient des officers (officiers), tandis que pour la CNO ils étaient des bourgeois ou des partners (partenaires). La société européenne du temps du commerce des fourrures possédait une hiérarchie rigide, qui se trouvait reflétée dans les structures de travail des compagnies concernées.

Les employés signaient des contrats allant de trois à sept années. Pendant cette durée, il devaient loyauté et obéissance à leurs employeurs. Il y avait pour ceux qui quittaient leur emploi, désobéissaient aux ordres ou manquaient de respect aux officiers, des pénalités sévères allant de l’amende et de la perte de salaire à l’emprisonnement et même à la flagellation. La mobilité ascendante était rare : il n’existe qu’une poignée d’exemples de serviteurs parvenant à se faire une place comme officiers de la CBH. La CNO était un peu plus libérale en ce qui concernait l’avancement ; mais même là, le mouvement ascendant était rare. Les relations entre employeurs et employés étaient régies par les lois portant sur les maîtres et les serviteurs, qui interdisaient les actions collectives telles que la grève organisée dans le but d’obtenir une amélioration des salaires et des conditions de travail. Il fallut attendre 1872 pour que le gouvernement de Sir John A. Macdonald adopte la Loi sur les syndicats, par laquelle les travailleurs canadiens avaient le droit d’appartenir à une organisation recherchant la négociation collective. Néanmoins, les employés du commerce des fourrures organisèrent un certain  nombre de grèves en faveur de l’amélioration des conditions d’emploi. La première de ces grèves dans le territoire appelé à devenir la Saskatchewan eut lieu en 1777 à Cumberland House : ce premier conflit, mené par James Batt et William Taylor, tous deux natifs des Orcades, eut pour résultat une hausse de salaires pour les employés des postes intérieurs de la CBH – par opposition à ceux de la baie d’Hudson, dont le travail était moins dur. Si les grévistes obtinrent parfois satisfaction, le plus souvent ils recevaient une amende, ou bien étaient congédiés sans salaire, ou bien encore jetés en prison pour avoir défié leurs maîtres.

Les compagnies du commerce des fourrures créèrent des barèmes de salaires pour leurs serviteurs et engagés. Par exemple, il y avait trois classes de travailleurs dans la CBH. D’abord les commis apprentis, qui pouvaient espérer joindre le rang des officiers une fois terminé leur apprentissage de trois ans. Puis venaient deux classes de serviteurs, pour qui passer dans le rang des officiers était en général hors de question : l’une comprenait les voyageurs, canotiers, chasseurs et interprètes, qui étaient surtout autochtones, métis ou franco-canadiens ; l’autre consistait en artisans et en manoeuvres, qui chez la CBH comptaient beaucoup de recrues britanniques, venant surtout des Orcades (chez la CNO, en revanche, il y avait un mélange de Britanniques, de Canadiens français et d’hommes d’origine autochtone). Dans ce groupe, les salaires dépendaient de la spécialité : les meilleures rémunérations allaient aux artisans tels que menuisiers, maçons, tonneliers et constructeurs d’embarcations ; ensuite venaient les voiliers et les réparateurs de filets ; et finalement les manoeuvres. Quel que soit le métier, les salaires dans le commerce des fourrures avaient tendance à être plus élevés que pour un travail similaire dans les Orcades ou dans le Bas-Canada.

Les voyageurs du nord-ouest développèrent une culture pittoresque distincte. Leurs interminables trajets en canots s’accompagnaient d’un répertoire de chansons traditionnelles, dont beaucoup étaient trop grivoises pour être transcrites par les lettrés d’alors. Friands d’humour, ils racontaient des histoires à dormir debout ; ils tiraient aussi une grande fierté de leurs exploits de courage et de force, et admiraient ceux qui pouvaient porter le plus grand nombre de paquets de 90 livres le plus rapidement ou sur la plus longue distance. Quand la concurrence entre la CBH et la CNO battait son plein, au début des années 1800, leurs employés pouvaient obtenir de plus hauts salaires et de meilleures conditions de travail en menaçant simplement de quitter la compagnie pour sa rivale. Ce type d’action allait à l’encontre de la loi sur les maîtres et leurs serviteurs, mais la rivalité entre les deux compagnies était telle que les maîtres s’occupaient fort peu de décourager les déserteurs de l’adversaire. Les guerres napoléoniennes et la guerre de 1812 réduisirent le nombre de travailleurs disponibles pour le commerce des fourrures en enrôlant de force les hommes valides de la Grande-Bretagne et du Canada. La pénurie de travailleurs, jointe à la rivalité entre compagnies, donna davantage de poids à la position de négociation des employés du commerce des fourrures.

Ce commerce fit bon usage du travail non rémunéré des femmes autochtones, qui se mariaient à la façon du pays ou bien cohabitaient autrement avec officiers et employés. Leurs fonctions étaient importantes : elles préparaient la nourriture et les peaux ; elles fabriquaient les mocassins et les raquettes à neige ; et elles servaient d’interprètes et de diplomates, contribuant aux alliances avec les bandes indiennes, les trappeurs autochtones et les marchands. Les enfants issus de ces unions devinrent les fondateurs de la Nation métisse, et trouvèrent des emplois dans les compagnies de fourrures comme chasseurs, interprètes et voyageurs. Les compagnies évitaient d’engager les autochtones dans des emplois salariés là où les fourrures étaient abondantes, préférant laisser les Indiens piéger pour elles dans la forêt. Il y avait cependant des exceptions -- par exemple les voyageurs iroquois de la région des Grands Lacs, qui devinrent célèbres pour leur habileté à voyager en canot.

A la suite de la fusion de la CBH et de la CNO en 1821, les salaires chutèrent et près d’un tiers de la main-d’oeuvre fut licenciée à cause de la réduction du personnel (de nombreux postes furent fermés, et la route commerciale de Montréal perdit de son utilité). A la suite de ces événements, beaucoup de Métis et d’autochtones du nord-ouest gagnèrent leur vie à leur compte en fournissant la viande de bison et le pemmican à la CBH et aux récents colons de la région. Beaucoup d’anciens employés du commerce des fourrures devinrent des commerçants indépendants ; certains se firent transporteurs de marchandises, d’autres fermiers. Cette tendance se poursuivit à mesure que le commerce des fourrures perdait de son importance au milieu du 19ième siècle.

Les employés des chemins de fer

La construction du CANADIAN PACIFIC RAILWAY (CPR), commencée au début des années 1880, fit apparaître une nouvelle vague de salariés dans la prairie canadienne. Il fallait une petite armée d’hommes et des centaines de chevaux et de mules pour construire l’infrastructure et poser les rails du nouveau chemin de fer. Environ 7 600 hommes furent employés à la construction du CPR, depuis le centre du Canada jusqu’à la côte du Pacifique ; près d’un tiers travaillèrent dans la section des prairies. Beaucoup de ces hommes avaient déjà travaillé pour d’autres chemins de fer. Ils se faisaient souvent appeler boomers, journaliers qui allaient d’un boom ferroviaire à l’autre ; mais leurs employeurs les appelaient navvies (terrassiers). Leur origine ethnique variait, beaucoup étant de récents immigrants en Amérique du nord : les légendaires « géants suédois », qui maniaient les traverses de chemin de fer comme s’il s’agissait de cure-dents ; les Italiens, les Irlandais, les Allemands, les Britanniques et les Canadiens ; et les « coolies » chinois, qui travaillèrent seulement à la section Pacifique du projet.

Ce travail était physiquement éprouvant : des journées de dix heures étaient la norme, mais douze et même quatorze heures n’étaient pas rares. Le logement était spartiate : les hommes dormaient à trois couchettes superposées dans des wagons ou tentes dortoirs bondés et sans air. La qualité des repas dépendait du sous-traitant, mais il était entendu que les journaliers ne travailleraient pas s’ils étaient nourris de façon inadéquate. Les salaires soutenaient la comparaison avec ceux des régions civilisées de l’Amérique du Nord : ils allaient de $1,25 à $2,50 par jour, ce qui mettait un terrassier au même niveau qu’un menuisier qualifié de l’est du Canada. La principale cause de mécontentement était que la compagnie se trouvait souvent incapable de payer les salaires en temps voulu.

Comme les voyageurs avant eux, les terrassiers développèrent leur propre culture ; ils étaient fiers de leur performance physique et de leur habileté à poser les rails. Les sous-traitants, qui faisaient face à des délais d’achèvement, appréciaient sûrement ce penchant pour la compétition. Les hommes du CPR se targuaient de pouvoir poser quatre ou cinq miles de voie ferrée en une seule journée, surpassant ainsi les efforts des autres compagnies ; ce travail était accompli à la fois avec force et finesse, souvent au rythme de chants de travail tels que « drill ye terriers drill » (Forez, les terriers, forez). Des conflits de travail éclataient durant la construction des voies ferrées lorsque les salaires étaient en retard ou qu’il y avait menace de réduction salariale. Une grève eut lieu près de Maple Creek en 1883, mais les piquets furent dispersés par un contingent de la police montée du Nord-Ouest. Dans la plupart des grèves portant sur le retard des salaires, les grévistes refusèrent de reprendre le travail tant qu’ils ne seraient pas payés.

Employés du CPR, Broadview, 1907.
Saskatchewan Archives Board R-A18810

Les hommes qui conduisaient les trains une fois que la voie était posée appartenaient au personnel itinérant : conducteurs, chauffeurs, serre-freins et chefs de trains qualifiés. Le personnel itinérant des prairies se mit en grève en 1883 à propos d’une réduction salariale. Après un premier échec, ils augmentèrent leur pouvoir de négociation en établissant des sections locales pour les syndiquats internationaux des chemins de fer, basés aux USA : la Fraternité des conducteurs de locomotives, la Fraternité des chauffeurs de locomotives, l’Ordre des chefs de trains, et la Fraternité des serre-freins ferroviaires. Ces fraternités furent les premiers syndicats sur le sol de ce qui allait devenir la Saskatchewan. Les cheminots syndiqués étaient donc dans une position de force en 1892, lorsque le CPR tenta encore une fois de réduire les salaires sur la section des prairies : les conducteurs et les serre-freins obtinrent la victoire après une grève révolutionnaire qui força la compagnie à négocier avec les syndicats, et à accorder une augmentation plutôt qu’à imposer une diminution des salaires.

L’explosion colonisatrice

Creusement d'une tranchée pour égout sur la Central Avenue de Prince Albert, vers 1910.
W.J. James (Saskatchewan Archives Board) R-A1721-2

L’achèvement de la ligne du CPR offrit le moyen de transport requis pour des milliers de fermiers venus s’installer dans l’Ouest : la population de la région passa de 91 279 en 1901 à 647 835 en 1916. Tout les nouveaux venus n’étaient cependant pas des fermiers : la nouvelle économie agricole demandait aussi une infrastructure de lignes ferroviaires secondaires, de silos à grain, et de villes dotées d’ateliers de réparation, de magasins de détail, d’entrepôts, d’écoles, d’hôpitaux, ainsi que de bureaux pour agents immobiliers, agents d’assurances, hommes de loi et autres employés. Artisans et journaliers arrivèrent donc pour subvenir à ces besoins. Au cours de cette explosion colonisatrice, qui dura environ de 1900 à 1913, de nombreux travailleurs vinrent à l’ouest pour profiter des possibilités d’emploi ainsi que de salaires en général plus élevés que dans le Canada central. Par exemple, en 1911 un menuisier de Régina pouvait gagner jusqu’à 63,75 cents l’heure, tandis que son homologue à Toronto se contentait de 52,5 cents. Cependant, le coût de la vie dans l’Ouest était plus élevé que dans la partie civilisée du pays, ce qui parfois neutralisait ces avantages.

Contruction d'un bâtiment à Prince Albert, 1909. Le maire pose la première pierre.
W.J. James (Saskatchewan Archives Board) R-A1722-4

Artisans et journaliers furent très demandés durant cette période. Parmi eux on comptait les menuisiers, les maçons, les briqueteurs, les plâtriers, les peintres, les plombiers et les électriciens, ainsi que les manoeuvres ordinaires. Les corps de métiers comprenaient surtout des immigrants britanniques récents ou bien des Canadiens d’origine britannique ; les manoeuvres étaient un mélange de Britanniques, d’Allemands et d’Européens de l’Est. Les travailleurs de l’industrie du bâtiment, tout comme avant eux le personnel ferroviaire itinérant, firent venir à l’ouest leurs organisations syndicales. La plupart était membres de syndicats professionnels qui encourageaient les efforts concertés pour persuader les employeurs d’entrer en négociations collectives avec leurs employés, qui maintenaient des systèmes d’apprentissage ouverts aux nouveaux venus dans le métier, et qui offraient à leurs membres un choix de bénéfices et d’assurances couvrant entre autres les obsèques et les prêts de secours.

Défilé de la fête du Travail, Régina, vers 1913.
Saskatchewan Archives Board R-A197

Les nouvelles cités de la province eurent bientôt des temples du travail, appelés plus tard salles syndicales ; celles-ci possédaient des bibliothèques et accueillaient réunions syndicales, conférences et autres événements. Les syndicats de cette période d’essor organisaient des pique-niques et des compétitions sportives, et leurs parades de la fête du travail arboraient chars, fanfares et défilés de travailleurs en uniformes. Des conseils des métiers et du travail, formés de représentants des divers syndicats des cités, furent établis dans les centres importants ; avec leurs affiliés, ils appartenaient à la Confédération canadienne du travail et des métiers, établie à Toronto en 1883 comme porte-parole national des travailleurs. Moose Jaw accueillit le premier conseil du travail de la province en 1906, et fut bientôt suivie par d’autres centres. Les métiers du bâtiment syndiqués avaient donc maîtrisé la pratique de la négociation collective dans les centres urbains avant le début de la Première Guerre mondiale. Les discussions salariales avec les organismes employeurs, connues sous le nom d’ « échanges de maçons », aboutissaient parfois à la grève, mais dans la plupar des cas ces relations professionnelles se déroulaient à l’amiable. Le secteur du bâtiment était en plein essor, ce qui permettait des augmentations de salaires régulières. Mais malgré ces avantages, les travailleurs étaient sujets à de longues périodes de mise à pied et d’immobilisation à cause de la nature saisonnière de la construction dans les prairies, où chaque année on pouvait s’attendre à quatre ou cinq mois de temps non favorable au travail à l’extérieur. A l’époque, la famille moyenne pouvait acquérir une maison et y vivre confortablement avec un salaire annuel de $1 200 ; en 1912, un maçon qualifié gagnant environ $143 par mois aurait donc pu vivre à l’aise, si ce n’était les mois d’hiver, durant lesquels il y avait peu ou pas de travail.

Pont routier en construction sur la South Saskatchewan, Saskatoon, 1907.
Saskatchewan Archives Board R-B3710

Les nouveaux syndicats de la province furent bien accueillis par le premier ministre de la Saskatchewan, WALTER SCOTT. Avant d’entrer en politique, Scott avait été imprimeur syndiqué à Winnipeg ; en tant que propriétaire du Regina Leader et du Moose Jaw Times, il fut l’un des premiers employeurs de la province à se lancer dans la négociation collective avec ses employés, qui étaient membres de l’Union typographique internationale. En 1906, il fut probablement le premier employeur de la Saskatchewan à reconnaître la journée de huit heures. Scott gagna le soutien du mouvement syndical lorsqu’il insista pour que l’Edifice de l’assemblée législative soit construit avec dans le contrat une clause de salaire équitable. Cette clause garantissait que les taux de salaires syndiqués locaux seraient appliqués au premier méga-projet du gouvernement provincial. Scott nomma Tom Molloy, l’un des premiers dirigeants syndicaux de la province, Commissaire du salaire équitable afin de s’assurer que l’entrepreneur respecterait cette clause. Il introduisit également dans la province les premiers règlements d’hygiène et de sécurité, et créa un modeste programme d’indemnisation des travailleurs.

La dure vie du journalier

Des bûcherons prennent leur repas dans la forêt près de Prince Albert (1903 ou avant).
Saskatchewan Archives Board R-B1696

Les journaliers du bâtiment dans l’industrie minière provinciale, grandissante bien qu’encore petite, étaient dans une situation bien pire que les ouvriers qualifiés – même quand ailleurs les conditions étaient excellentes. Ceux qui travaillaient à des projets comme la construction d’égouts et de conduites d’eau à Régina et à Saskatoon ne gagnaient que 17,5 cents par heure pour un travail accompli dans des conditions dangereuses, à raison de dix heures par jour, six jours par semaine. Les mineurs dans les gisements houillers du sud-est de la Saskatchewan avaient normalement des salaires plus élevés que les ouvriers du bâtiment, mais sous terre les conditions de travail n’étaient pas meilleures que dans une canalisation d’égout : en haute saison, les mineurs travaillaient 14 heures par jour, six jours par semaine ; le loyer qu’ils payaient pour les baraques non isolées appartenant à la compagnie était déduit de leur salaire, et  ils étaient forcés de faire leurs achats dans les magasins de la compagnie à des prix excessifs. Les journaliers urbains gravitaient vers le seul type de logement qu’ils pouvaient s’offrir. A l’époque, le ghetto ouvrier de Régina était connu sous le nom de German Town (Cité allemande), bien que la majorité de ses résidents soient des Européens de l’Est et non des Allemands. Les logements dans la zone des taudis consistaient généralement en cabanes de trois pièces, entassées sur des lots de 25 pieds ; très peu avaient l’égout ou l’eau courante, et les ordures n’étaient pas enlevées régulièrement. Il n’est donc pas surprenant que les résidents de German Town aient beaucoup plus souffert de maladies transmissibles que les habitants des zones plus aisées.

Houilleurs.
Saskatchewan Archives Board R-A236

Pour le travail en dehors des villes, les entrepreneurs devaient en général fournir un logement en dortoirs. Ceux-ci tendaient à être surpeuplés ; la ventilation était pauvre ; les matelas de paille et les couvertures étaient souvent infestés de punaises ; et il était fréquemment impossible de se baigner ou de prendre une douche. Pour certains travaux, vivre et couvert arrivaient « tout trouvés » (found) , c’est-à-dire gratuits et en sus du salaire ; dans d’autres cas, ils étaient déduits du salaire. Les travailleurs étaient en général payés en espèces tous les samedis, ce qui faisait l’affaire des propriétaires de bars. Les organisations de tempérance faisaient des campagnes pour la prohibition, déplorant le fait que des familles ne mangeaient pas à leur faim parce que le salaire du samedi avait été dépensé au bar avant même le retour à la maison. La lutte pour la prohibition des boissons alcoolisées fut gagnée dans la province en 1917, après que les femmes aient obtenu le droit de vote en 1916, et l’alcool cessa ainsi de couler jusqu’en 1

L’effondrement

L’explosion de colonisation et la spéculation frénétique qui l’accompagna s’étaient plus ou moins éteintes lorsqu’en 1914 commença la Première Guerre mondiale. L’essor était terminé : les bonnes terres étaient devenues des concessions, et la guerre empêchait toute immigration. Le travail vint à manquer dans les métiers du bâtiment, et la construction de lignes ferroviaires secondaires s’arrêta. Bien que des milliers d’hommes en âge de travailler aient rejoint l’armée, le taux de chômage monta en flèche. Les syndicats du bâtiment, dominés par les Britanniques, eurent de la peine à maintenir un semblant d’organisation durant la guerre, car plus de 75% de leurs effectifs étaient dans l’armée. La Saskatchewan était dépourvue des industries lourdes qui dans d’autres régions du Canada créèrent des emplois grâce à leur application militaire. Lorsqu’il fut clair que cette guerre serait longue, de plus en plus de travailleurs quittèrent la province pour tenter leur chance ailleurs, ce qui découragea les municipalités de fournir du travail d’assistance aux chômeurs. La production de charbon dans la province augmenta, mais la législation de guerre entrava les mineurs qui tentaient de s’organiser pour améliorer leurs salaires et leurs conditions de travail. L’agriculture se porta bien durant et immédiatement après la guerre : le prix du blé monta sans cesse pour atteindre un niveau record en 1919. Durant la guerre il était difficile de trouver des hommes à embaucher, si bien qu’en périodes de pointe les ouvriers agricoles pouvaient gagner autant que les ouvriers urbains.

La main-d’oeuvre féminine

Au cours des premières décennies du 20ième siècle, les femmes constituaient une minorité sous-payée de la main-d’oeuvre. Les valeurs traditionnelles de l’époque considéraient que le rôle approprié de la femme était celui de mère et de maîtresse de maison. Quand une femme devait prendre un emploi, c’était un signe d’échec social ou, dans le cas d’une veuve ou d’une femme mariée à un chômeur, d’absolue nécessité. Il était permis aux jeunes femmes d’occuper un travail salarié pour aider une famille pauvre ou pour gagner de l’argent de poche jusqu’à ce qu’elles trouvent un mari et quittent la vie active en même temps que la maison de leurs parents. Comme les moyens de contraception étaient limités, les familles nombreuses étaient la règle, et les femmes de la classe ouvrière en âge d’avoir des enfants avaient assez à faire pour ne chercher du travail salarié qu’en cas de nécessité. Mais en réalité, beaucoup de femmes avaient besoin de travailler : de nombreuses jeunes femmes de condition modeste quittaient la pauvreté des cités industrielles du Canada, de la Grande-Bretagne et de l’Europe pour prendre des emplois mal rémunérés comme domestiques dans les prairies. Les familles aisées payaient très peu pour ces services, qui impliquaient un nombre d’heures illimité et bien peu de jours de congé. La première Loi sur le salaire minimum de la province, adoptée en 1919, ne s’adressait qu’aux ouvrières : les domestiques, bien que représentant la majorité des travailleuses, étaient exclues.

Les métiers de secrétaire, de vendeuse, de serveuse, d’institutrice et d’infirmière, ainsi que le nouveau métier de téléphoniste, venaient après le travail domestique comme principales sources d’emplois pour les femmes. Les syndicats professionnels de l’époque mirent du temps à s’intéresser aux difficultés des travailleuses : ils n’offrirent quère plus que quelques mots d’encouragement quand les serveuses du Balmoral Café de Régina organisèrent en 1918 la première grève de femmes en Saskatchewan, dans le but d’augmenter leur salaire hebdomadaire de $5, de faire passer la journée de travail de quinze à dix heures, et d’avoir au moins un jour de congé par semaine. Le conseil du travail de Régina mit les serveuses en contact avec le syndicat approprié, mais n’organisa pas le boycott et les piquets dont la grève avait besoin pour réussir. Quand les téléphonistes de la province – en majorité des femmes – se mirent en grève en 1918, elles le firent sous la direction d’un organisateur venu de la Confédération internationale des électriciens. Mais cette grève fut mal gérée : provoquée en plein milieu de l’épidémie de grippe espagnole, elle ne reçut pas le soutien du public et se termina en défaite. Après le départ de Walter Scott, la nouvelle direction du gouvernement libéral avait moins de sympathie pour les travailleurs, et n’était pas préparée à accorder des concessions aux employés des centres téléphoniques appartenant au gouvernement.

L’enseignement était une autre catégorie professionnelle où la représentation des femmes était importante. Le nombre d’enseignantes augmenta au cours de la Première Guerre mondiale lorsque les homme s’engagèrent dans l’armée. A la fin de la guerre, beaucoup des 5 000 enseignants de la province étaient membres de l’union des enseignants. Leurs salaires étaient modestes comparés à ceux des ouvriers qualifiés de l’époque ; mais d’autres problèmes les confrontaient, parmi lesquels : le droit de négociation collective avec leurs conseils scolaires, et les frustrations causées par un système fortement décentralisé qui mettait les enseignants sous la tutelle d’administrateurs qui connaissaient peu de choses sur l’éducation.

Au cours des quarante premières années du 20ième siècle, les infirmières de la province travaillaient dans un système qui allait les qualités de service altruiste d’une Florence Nightingale à la discipline militaire britannique. Ce n’est que lorsque la Deuxième Guerre mondiale provoqua une pénurie dans ce secteur que les infirmières furent autorisées à travailler après leur mariage. Les étudiantes infirmières comptaient parmi les travailleuses les plus exploitées de la province : elles vivaient dans des dortoirs d’hôpitaux et travaillaient de longues heures pour un maigre salaire, sous la direction de surveillantes générales qui gouvernaient pratiquement tous les aspects de leur vie. Il fallut attendre les années 1970, durant lesquelles les infirmières finirent par s’organiser en un syndicat efficace, pour que les derniers vestiges du vieil autoritarisme disparaissent.

Le radicalisme de 1919

A la fin de la Première Guerre mondiale, les travailleurs canadiens, après quatre années de stagnation salariale, avaient hâte de rattraper le temps perdu. Ils pensaient avoir payé un prix plus élevé que le milieu des affaires : les travailleurs, les fermiers et leurs fils avaient constitué la majorité des enrôlés volontaires. Les travailleurs considéraient que leurs fils avaient versé leur sang tandis que bien des hommes d’affaires avaient tiré profit des contrats de guerre. Les salaires avaient été bloqués par des décrets prohibant la grève dans les industries de guerre. S’ajoutant à leurs inquiétudes, le retour des soldats et la fermeture des industries de guerre provoquèrent une vague de chômage. Pendant la guerre, de nombreux immigrants non britanniques subirent l’outrage de perdre leur droit de vote. Les immigrants d’origine allemande n’avaient pas le droit de s’enrôler dans l’armée canadienne ; les activistes syndicaux pouvaient être déportés ou bien jetés dans des camps d’internement pour soi-disants ressortissants d’un pays ennemi. Le gouvernement n’était pas très clair au sujet de la géographie européenne : ayant décidé que des milliers d’Ukrainiens représentaient un potentiel ennemi dangereux, il les fit interner – bien que l’Ukraine fasse partie de la Russie et que les Russes aient été des alliés pendant une partie de la guerre. Après la guerre, les immigrants non britanniques, qui constituaient environ la moitié de la main-d’oeuvre dans les gisements houillers de l’ouest du Canada, avaient donc bien des raisons de demander des changements dans la façon dont le pays était dirigé.

Les tensions d’après-guerre éclatèrent à Winnipeg, au Manitoba, au printemps 1919. Le 15 mai, les travailleurs du bâtiment et des installations industrielles commencèrent une grève générale au cours de laquelle des milliers cessèrent le travail en faveur de demandes concernant les salaires et autres matières contractuelles. Cette grève générale de Winnipeg prit place conjointement avec un mouvement régional déjà vigoureux : le syndicalisme. Les syndicalistes voulaient organiser la main-d’oeuvre sur une large base industrielle, plutôt que selon les syndicats de métier qui dominaient le mouvement ouvrier : par exemple, le syndicat industriel d’un atelier ferroviaire devrait inclure tous les travailleurs, quelle que soit leur spécialité. Ceci allait à l’encontre du syndicalisme horizontal, qui voyait par exemple une union pour les mécaniciens, une autre pour les machinistes, et une autre encore pour le personnel d’entretien. Les syndicalistes militaient donc pour le grand syndicat unique (One Big Union, ou OBU) qui pourrait un jour faire face aux pouvoirs commerciaux et gouvernementaux. Les partisans de cette idée constituaient une minorité énergique parmi les grévistes deWinnipeg ; la majorité, pourtant,  s’intéressait davantage aux problèmes alimentaires traditionnels, tels que l’amélioration des salaires et des conditions de travail, qu’à un mouvement syndicaliste révolutionnaire.

Les événements du Manitoba eurent des répercussions en Saskatchewan, où le mouvement ouvrier comprenait une minorité vocale de partisans de l’OBU. Il y avait également de nombreux ouvriers syndiqués qui voulaient voir une amélioration de leurs salaires et de leurs conditions de travail après tous les sacrifices qu’ils avaient faits pendant la guerre. Il y eut donc dans toute la province de courtes grèves de solidarité avec celle de Winnipeg. La plus importante, à Saskatoon, dura plus d’une semaine. A Régina, le conseil du travail était partagé au sujet d’une grève de solidarité; la division devint sérieuse et provoqua la résignation de la majorité de l’exécutif, qui soutenait le concept de l’OBU. Avant de déclencher sa propre grève générale, le conseil du travail de Moose Jaw envoya à Winnipeg une délégation qui revint convaincue que les révolutionnaires y jouaient un trop grand rôle, et qu’une grève de solidarité n’était donc pas indiquée ; la décision finale fut finalement laissée à chaque section locale.

La grève générale de Winnipeg fut écrasée par la police montée le 21 juin 1919 ; deux citoyens furent tués et beaucoup furent blessés au cours de ce qui allait s’appeler Bloody Saturday (le samedi sanglant). On arrêta des dirigeants syndicaux, parmi lesquels on comptait J.S. Woodsworth, pasteur méthodiste et futur dirigeant du CCF, ainsi que quelques partisans de l’OBU. La Gendarmerie royale de la Saskatchewan fit une descente dans les maisons de ces derniers et saisit quelques documents. Au cours d’une campagne d’organisation dans les gisements houillers de la Saskatchewan, un des responsables de l’OBU, Phillip Christophers, fut enlevé par un groupe d’autodéfense, dans lequel se trouvait un membre de la police provinciale, et conduit à Noonan, dans le Dakota du Nord. L’OBU connut une phase de croissance rapide en 1919, mais son déclin fut également rapide ; pendant les années 1920, la main-d’oeuvre syndiquée en Saskatchewan allait se reposer presque exclusivement sur le syndicalisme horizontal traditionnel.

La stagnation des années 1920

Les travailleurs de la Saskatchewan avaient bien peu de sujets de contentement dans les années 1920. Le milieu des affaires et le mouvement ouvrier attendaient un retour à la prospérité d’avant-guerre, mais il fallut attendre encore une vingtaine d’années pour voir un nouvel essor. La construction de lignes ferroviaires secondaires destinées à desservir de nouvelles communautés agricoles appartenait au passé. La construction de nouveaux bâtiments était également en retard sur l’avant-guerre : à quelques exceptions près, les travailleurs et entrepreneurs de cette industrie allaient encore devoir attendre pour voir leurs espoirs réalisés.

Dans le secteur agricole le prix du blé, élevé pendant la guerre, retomba suite au démantèlement du système de commercialisation structuré des années 1914-18. La production était cependant bonne, et malgré l’introduction de nouvelles machines pour faciliter le travail, les fermiers avaient encore besoin de journaliers, surtout au moment des récoltes. Les « trains des récoltes », commandités par les compagnies de chemin de fer, transportaient annuellement des milliers de Canadiens de l’est et du centre pour aller travailler dans les champs de l’ouest. Les dernières excursions importantes de cette sorte, en 1928, transportèrent 24 000 hommes ; mais la sécheresse de 1929 et le bas prix du blé commencèrent à affecter l’économie des prairies, et moins de 5 000 journaliers furent nécessaires cette année-là.

Dans les années 1920, il y eut une certaine expansion des types d’emplois disponibles en Saskatchewan. Salariés et employeurs bénéficièrent de la croissance de la fabrication à valeur ajoutée des produits agricoles et des ressources naturelles qui prit place au cours de cette décennie. La province était à présent dotée de minoteries, d’une industrie de la viande, et de raffineries. Les secteurs de services et de fabrication étaient également en expansion. Les systèmes de distribution nécessaires à l’approvisionnement et au soutien de l’agriculture, tels que l’emmagasinage et la vente et la réparation d’équipement agricole, continuèrent à se développer. Quelques entreprises nouvelles comme l’usine de montage General Motors, installée à Régina en 1927, firent même monter les espoirs d’augmentation de la production industrielle.

La Dépression

Le krach boursier d’octobre 1929 marqua le début d’une dépression économique qui allait affecter l’ensemble du monde industriel occidental. Son impact fut profond en Saskatchewan, où le bas prix des produits agricoles se joignit à la sécheresse pour ruiner l’économie. Des milliers de personnes en Amérique du Nord perdirent leur emploi à cause de l’effondrement des marchés et du ralentissement de l’activité commerciale.

Dans les régions rurales de la province que frappait la sécheresse, les conditions étaient désespérées. Les enseignants partageaient avec leurs élèves les rigueurs de la Dépression, car les conseils scolaires locaux étaient souvent incapables de prélever les impôts nécessaires pour les rémunérer. Néanmoins, beaucoup d’enseignants dévoués travaillèrent sans salaire pendant des mois, et à la fin des années 1930 la province leur devait plus de $2 millions en rappel de traitement.

La vie était dure, même pour ceux qui avaient la chance de posséder un emploi, et il y avait une peur constante d’être mis au chômage d’une façon ou d’une autre. Dans les métiers syndiqués du bâtiment, les accords auparavant conclus étaient souvent laissés de côté par les employeurs ; on faisait alors comprendre à ceux qui se plaignaient qu’il y avait des milliers de gens qui voudraient bien prendre leur place.

Telle était la situation dans les gisements houillers du sud-est de la Saskatchewan au commencement de la Dépression. Les mineurs, qui vivaient dans de rudes conditions depuis vingt ans, décidèrent en 1931 de former une union capable de négocier avec les exploitants de mines pour obtenir une amélioration. A une écrasante majorité, ils votèrent pour joindre l’Union des mineurs du Canada (Mine Workers Union of Canada, ou MWUC), dont certains des dirigeants étaient communistes. Comme le remarqua T.C. DOUGLAS, pasteur ordonné de la communauté voisine de Weyburn : « On ne devrait pas abandonner une bonne cause simplement parce qu’elle est soutenue par quelques communistes ». Mais les exploitants de mines refusèrent de négocier avec la nouvelle section locale. Le 29 septembre 1931, les mineurs et leurs familles organisèrent à Estevan un défilé de voitures pour rendre leurs demandes publiques. Une émeute s’ensuivit ; il y eut beaucoup de blessés, et trois manifestants moururent sous les balles de la police : Julian Gryshko, Nick Nargan et Peter Markunas. Ce fut une défaite pour la MWUC, et un certain nombre des meneurs de grève furent arrêtés, déportés, ou mis sur la liste noire. Les mineurs durent attendre jusqu’en 1944 pour que les patrons reconnaissent leur union.

Les municipalités étaient supposées apporter les secours d’urgence aux travailleurs sans emploi et aux fermiers indigents, mais les gouvernements locaux n’avaient pas les ressources nécessaires pour une crise de cette ampleur. La province, à court d’argent, demanda de l’aide au gouvernement fédéral. Une réponse tiède de la part d’Ottawa n’arrangea guère les choses : de modestes mesures de secours furent mises en place pour les familles, mais les jeunes célibataires étaient censés trouver du travail – même quand cela était pratiquement impossible. Ces milliers de jeunes célibataires au chômage devinrent donc des chercheurs d’emploi constamment en mouvement, sautant dans les trains de marchandises à la recherche d’emplois qui n’existaient pas. Alarmé par ces milliers de jeunes dont la colère pouvait exploser à tout instant, le gouvernement fédéral créa un système de camps de secours pour célibataires, qui, situés dans des régions reculées, étaient gérés par le ministère de la Défense nationale. Afin d’encourager la présence dans ces camps, on demandait aux autorités municipales de refuser même la soupe populaire aux jeunes hommes des villes : s’ils voulaient être nourris et chauffés, le camp était la seule solution. Les conditions y étaient austères, et le travail aux projets de secours gouvernementaux ne payait que 20 cents par jour. Si les résidents tentaient de s’organiser et de présenter leurs doléances aux autorités, leurs dirigeants étaient expulsés et placés sur la liste noire dans d’autres camps.

Manifestation sur Market Square avant l'émeute de Régina.
Saskatchewan Archives Board R-A27560-1

Comme le gouvernement n’était pas disposé à améliorer ces conditions, les résidents d’un camp de la Colombie-Britannique organisèrent un départ en masse au printemps de 1935. Sous la direction de l’Union des travailleurs des camps de secours, les grévistes se rendirent à Vancouver, où ils conçurent le projet d’aller parler de leurs problèmes au premier ministre,  R.B. Bennett, en personne : ils voyageraient en trains de marchandises et effectueraient ainsi une « balade à Ottawa » (On-to-Ottawa Trek). Quand leur nombre dépassa 1 500, le premier ministre décida de mettre fin au mouvement bien avant son arrivée à Ottawa, et Régina fut choisie comme emplacement pour arrêter les manifestants et les forcer à retourner à leurs camps. Les efforts de la police pour arrêter les dirigeants provoquèrent l’émeute de Régina du 1er juillet 1935. Après cette émeute, le gouvernement tempéra quelque peu sa réaction et autorisa les hommes à retourner aux camps de leur propre choix, au lieu du camp d’internement construit spécialement à Lumsden, en Saskatchewan. Un an plus tard Bennett n’était plus au pouvoir, et le nouveau gouvernement libéral abolissait le système de camps de secours. (Voir aussi ON-TO-OTTAWA TREK AND THE REGINA RIOT)

A la fin des années 1930 les conditions économiques s’amélioraient dans une grande partie du Canada – mais pas en Saskatchewan, où l’agriculture était décimée par la sécheresse et les bas prix. Au niveau national, cependant, le chômage diminua à la veille de la Deuxième Guerre mondiale. L’impact de la Dépression et d’événements inoubliables tels que la grève sanglante des gisements houillers et l’émeute de Régina convainquit un grand nombre d’habitants de la Saskatchewan que leur société avait besoin de changer. Cette attitude se trouva reflétée par le Parti social démocratique (CO-OPERATIVE COMMONWEALTH FEDERATION, ou CCF), qui préconisait une sérieuse restructuration de la société en faveur des intérêts des fermiers et des travailleurs. Le CCF avait dans ses rangs de farouches partisans des mesures sociales suggérées depuis longtemps par le mouvement ouvrier national : assurance chômage, pension de vieillesse, assurance maladie financée par l’état, et garantie légale des droits syndicaux. A la fin de la Dépression, le CCF était l’opposition officielle en Saskatchewan.

La guerre et le redressement

Sixième Congrès de la Fédération du travail de la Saskatchewan, 1949.
Saskatchewan Archives Board R-B7253-5

L’entrée du Canada dans la Deuxième Guerre mondiale résolut le problème du chômage : des milliers de jeunes gens suivirent l’armée outre-mer, et l’industrie commença à embaucher afin de satisfaire la demande pour la production de guerre. Le prix du blé ne retourna pas aux niveaux de la Première Guerre, mais la demande pour les produits laitiers et carnés augmenta : l’expansion des industries concernées créa des centaines d’emplois dans des secteurs économiques appelés à devenir complètement syndiqués. Comme au temps de la Première Guerre, la Saskatchewan manquait encore des industries de fabrication qui ailleurs au Canada produisaient un nombre record d’emplois. Il y avait cependant des exceptions, comme l’ancienne usine de montage General Motors de Régina, qui se trouva convertie à la production d’armement. L’effort de guerre ayant pratiquement éliminé la communauté des sans-emplois, l’usine de Régina fit comme toutes les autres au Canada et embaucha des centaines de travailleuses, qui se joignirent aux hommes pour en assurer la marche. La propagande de guerre se mit à louer le rôle des femmes dans les usines et à chanter les vertus de « Rosie la riveteuse ».

En 1944, un an avant la fin de la guerre, le CCF sous la direction de T.C. Douglas assuma le gouvernement de la Saskatchewan. L’une de ses premières mesures fut de faire passer quelques-unes des lois sur le travail les plus progressives en Amérique du Nord. Le mouvement syndical – surtout les nouveaux unionistes industriels agressifs qui faisaient partie de la Confédération canadienne du travail – profitèrent de la nouvelle Loi syndicale pour augmenter leurs effectifs provinciaux de plus de 100% entre 1944 et 1956.

Signature d'un nouvel accord de la fonction publique, 1951.
Vic Bull (Saskatchewan Archives Board) R-A11354

De plus en plus de femmes étaient entrées dans la main-d’oeuvre au cours de la guerre. Elles travaillaient dans le gouvernement, en éducation et à bien d’autres occupations ; la profession infirmière avait même relâché le règlement concernant l’embauche des femmes mariées, en partie à cause du grand nombre d’infirmières qui étaient allées outre-mer rejoindre les troupes.

A la fin de la guerre, beaucoup craignaient une sévère récession et un retour au chômage, mais ce ne fut pas le cas. L’économie de la Saskatchewan se développa, en même temps que de nouvelles opportunités d’emploi. L’effort de guerre avait démontré que des dépenses judicieuses de la part du gouvernement pouvaient servir de stimulant économique, sans pour cela semer le désordre dans le système financier. Le gouvernement CCF utilisa les deniers publics pour étendre le réseau électrique aux régions rurales de la province, pour construire de nouvelles routes, et pour former des entreprises appartenant à la Couronne, telles que le Saskatchewan Government Insurance Office (SGIO). Des centaines de nouveaux emplois furent ainsi créés. L’expansion des services gouvernementaux dans le domaine des soins médicaux et de l’aide sociale contribua également à la croissance de la main-d’oeuvre du secteur public. Les nouveaux fonctionnaires se syndiquèrent avec la bénédiction du gouvernement Douglas, le premier au Canada à autoriser la pratique. La période d’après-guerre fut marquée par une constante amélioration du sort des travailleurs. Il était à présent relativement facile de trouver un emploi ; au début des années 1960 la plupart des familles ouvrières pouvaient espérer posséder une maison et une voiture, et presque tout le monde avait la télévision. La législation du CCF concernant le salaire et les normes de travail minimums, jointe aux progrès accomplis grâce à la négociation syndicale, avait considérablement amélioré les conditions de vie et de travail pour la plupart des familles ouvrières. Tout travailleur dans la province avait à présent droit à des congés payés annuels ; et la semaine de travail était passée de 48 à 44 heures, permettant ainsi à presque tous les salariés d’avoir deux jours de repos par semaine.

Le plus grand triomphe du gouvernement CCF fut l’introduction des soins médicaux gratuits pour tous en 1962 : cette mesure représentait l’un des plus grands progrès jamais accomplis par un gouvernement d’Amérique du Nord pour le bien du commun des mortels. La création de ce système d’assurance maladie (MEDICARE) provoqua de profondes divisions politiques dans la province. Le mouvement ouvrier s’avéra le plus loyal allié du gouvernement CCF au cours des manifestations et de la grève des médecins qui s’ensuivirent. Walter Smishek, un important dirigeant syndical de la Saskatchewan, représenta les travailleurs au sein du comité qui conçut la structure de Medicare, et assura le soutien syndical durant tous ces mois de débats et de protestations. BILL DAVIES, pendant longtemps secrétaire général  de Fédération du travail de la Saskatchewan (SASKATCHEWAN FEDERATION OF LABOUR), mit en place le programme Medicare en tant que ministre de la Santé. Les travailleurs, tout comme le reste de la société, tirèrent grand profit du libre accès aux soins médicaux : ils étaient naturellement soulagés d’être libres des primes d’assurance onéreuses et de la menace de ruine financière en cas de maladie sérieuse.

Des syndicats en changement

Le mouvement syndical se développa sur plusieurs fronts après la guerre. Au début des années 1970, la main-d’oeuvre en Saskatchewan était l’une des plus syndicalisées du pays : plus de 20% des travailleurs appartenaient à des syndicats. L’unité ouvrière se trouva renforcée en 1956, lorsque les syndicats professionnels de la Confédération du travail et des métiers fusionnèrent avec les syndicats industriels de la Confédération canadienne du travail pour former le Canadian Labour Congress (CLC), qui allait jouer un rôle déterminant en 1961 dans la formation du Nouveau parti démocratique (NPD). Les regroupements syndicaux étaient appelés à devenir populaires pendant les années 1970 et après – dans beaucoup de cas afin de s’opposer au pouvoir grandissant des corporations multinationales avec lesquelles il fallait négocier. Ces regroupements avaient également lieu parce que les syndicats appréciaient les avantages financiers et structuraux ainsi offerts : par exemple, la consolidation de l’industrie de la viande dans les années 1960 et 1970 fut accompagnée d’une consolidation des syndicats concernés. L’Union des travailleurs de l’alimentation et du commerce (United Food and Commercial Workers, ou UFCW), née du fusionnement d’un certain nombre de syndicats de l’industrie alimentaire dans les années 1960 et 1970, représente maintenant l’industrie de la viande ainsi que les nombreux magasins de détail qui vendent cette viande.

L’évolution de la technologie après la Deuxième Guerre mondiale devint de plus en plus menaçante pour l’emploi des travailleurs et la survie de leurs syndicats. La Fraternité des chauffeurs de locomotives, par exemple, disparut avec l’adoption des locomotives diesel. Les ouvriers de l’usine de briques et de tuyaux d’égouts en grès de la Saskatchewan virent les effectifs de leur syndicat diminuer lorsque la fibre de verre fit son apparition dans les années 1960 ; pour sauvegarder leur représentation, ils durent se joindre à la puissante United Steel Workers of America. Les syndicats n’ont pas cessé de négocier pour protéger les travailleurs contre la perte d’emploi dûe au changement technologique ; grâce à leurs efforts,  beaucoup d’ouvriers ont pu être prévenus à l’avance d’un changement qui menacerait leur emploi, et ont ainsi eu la possibilité de se recycler à temps.

Dans les années 1970 la montée du nationalisme canadien encouragea la création de nombreux syndicats indépendants. La section Saskatchewan de l’Union des grands magasins et des magasins de détail et de gros (Retail Wholesale and Department Store Union, ou RWDSU) devint l’un des premiers syndicats canadiens à se séparer de son union internationale, basée aux USA ; cette décision, cependant, était autant dûe à l’indifférence du siège social américain envers ses filiales qu’au nationalisme proprement dit. Une telle action radicale devint acceptable dans les années 1980 lorsque Bob White retira les Travailleurs automobiles canadiens (Canadian Auto Workers) de leur union internationale américaine.

La meilleure époque

C’est durant les années 1970 que les travailleurs de la Saskatchewan purent jouir du plus haut niveau de revenu disponible et du meilleur accès à l’emploi. Les bases de cette prospérité avaient été posées par les gouvernements CCF, de 1944 à 1964, par le truchement d’un certain nombre d’organismes de la Couronne dans les secteurs des services publics, des ressources et des assurances, et grâce au développement de l’infrastructure provinciale de routes, d’électricité et de téléphone. Avec l’aide du secteur privé le gouvernement avait encouragé la construction de la première aciérie de la province, ainsi que de nombreuses entreprises de traitement des produits forestiers. Le gouvernement libéral de ROSS THATCHER contribua à ce potentiel économique en encourageant le développement de l’industrie de la potasse. Le gouvernement NPD d’ALLAN BLAKENEY, élu pour la première fois en 1971, apporta d’importantes réformes à la législation du travail ; celles-ci étaient nécessaires parce qu’une grande partie de la législation favorable aux travailleurs adoptée par le gouvernement Douglas avait été érodée par le gouvernement Thatcher. Les actions de ce dernier furent renversées par le NPD dès son entrée en fonctions, et le système d’indemnisation fut
également amélioré.

Durant son premier mandat, le gouvernement Blakeney promulga quelques-unes des lois les plus progressives de l’Amérique du Nord sur l’hygiène et la sécurité du travail. La Saskatchewan avait depuis longtemps la troublante réputation d’être l’une des premières provinces  pour le pourcentage d’accidents et de décès au travail. La nouvelle législation était destinée à renverser cette tendance. Le droit des travailleurs de refuser un travail dangereux sans craindre de représailles de la la part de l’employeur était l’une des particularités de cettee nouvelle législation, qui avait été développée de concert avec la fédération du travail de la province. Le NPD se lança aussi dans une série d’initiatives où il assumait le contrôle d’une importante partie de l’industrie de la potasse, de l’uranium, du pétrole et du gaz. Ces actions avaient pour but d’augmenter le revenu provenant des ressources, d’assurer que les emplois attachés aux sièges sociaux demeurent en Saskatchewan, et de créer un meilleur milieu de travail dans les industries du secteur primaire. Le gouvernement encouragea les syndicats à participer aux décisions de commandement qui touchaient au bien-être et à la sécurité des travailleurs, si bien que des représentants du mouvement ouvrier prirent place au sein des conseils des sociétés d’Etat.

Le progrès accompli en matière d’augmentation des salaires et d’amélioration des conditions de travail portait sur toute une gamme de catégories professionnelles. Le personnel non infirmier des hôpitaux, à peine rémunéré au-dessus du salaire minimum,  avait compté parmi les travailleurs les plus mal payés jusque dans les années 1970. Les syndicats concernés réussirent à convaincre le gouvernement de mettre en place des négociations au niveau provincial, et obtinrent une énorme augmentation salariale pour ces employés et pour ceux des hôpitaux ruraux, dont les salaires traînaient depuis longtemps loin derrière ceux de leurs homologues urbains.

Inflation et contrôle des salaires

Au milieu des années 1970, les gouvernements et la plupart des observateurs considéraient l’inflation à deux chiffres comme le problème le plus sérieux confronté par les Canadiens. En Saskatchewan, le gouvernement et le groupe de pression des affaires blâmaient les accords salariaux obtenus par les travailleurs syndiqués. Pour ces derniers, cependant, les taux d’intérêt, les bénéfices des compagnies et la montée vertigineuse du coût de l’énergie étaient tout aussi responsables. De plus, comme la plupart des ouvriers syndiqués se trouvaient engagés dans des accords collectifs de deux ou trois ans, le pouvoir d’achat avait déjà été considérablemetn érodé par l’augmentation du coût de la vie quand de nouvelles négociations se matérialisaient. Les travailleurs demandant des augmentations salariales de 10 à 20% n’essayaient bien souvent que de rattraper les pertes encourues depuis le premier accord, et de se protéger ainsi contre l’inflation à venir. A l’époque, beaucoup d’accords collectifs contenaient des clauses COLA (« Cost of Living Adjustement » : indexation) : c’était là une autre façon de sauvegarder le pouvoir d’achat des travailleurs pour la durée de leurs accords collectifs.

Au cours de la campagne électorale de 1974, les homme politiques fédéraux se demandèrent s’il était prudent de mettre en place un contrôle national des salaires et des prix. Les conservateurs étaient pour ; Pierre Trudeau était contre, affirmant qu’on ne pourrait jamais empêcher les prix d’augmenter et que seuls les salaires pouvaient être contrôlés. Trudeau obint le pouvoir et, changeant d’avis, mit en place le contrôle des salaires et des prix en octobre 1975. En Saskatchewan, le NPD profita d’une clause du programme de contrôle fédéral qui permettait aux provinces d’établir leur propre système de contrôles : le programme provincial s’appliquerait surtout aux travailleurs du secteur public. Le gouvernement NPD déclara qu’il exécuterait son programme d’une main plus légère que le gouvernement fédéral. Le mouvement syndical de la province, et plus spécialement les fonctionnaires, était opposé à cette mesure ; d’importantes manifestations – parmi lesquelles la journée de protestation nationale du 14 octobre 1976 (la plus grande grève du Canada) – prirent place pour protester contre les contrôles et les politiques du gouvernement NPD provincial.

Le contrôle des salaires, joint au fait que le gouvernement NPD imposa une législation de retour au travail aux grévistes de SaskPower, de l’industrie laitière et des hôpitaux, créa des divisions entre le gouvernement et certaines sections du mouvement syndical. Mais tandis qu’à la veille des élections provinciales de 1982 il manquait au NPD une partie de son soutien travailliste habituel, sa défaite aux mains des conservateurs devait plus aux taux élevés des prêts hypothécaires et au prix de l’essence qu’aux problèmes syndicaux.

La dure période des années 1980

Le gouvernement des conservateurs progressifs, sous la direction de GRANT DEVINE, démantela une grande partie de l’héritage travailliste mis en place par l’administration précédente – et ce qui en restait ne fut bien souvent pas respecté. Les travailleurs du bâtiment n’étaient plus capables d’obtenir d’accréditation syndicale avec les entrepreneurs ; ces derniers avaient l’autorisation de jouer un double jeu en créant une compagnie dérivée afin d’éviter les accords collectifs. Les travailleurs du secteur public perdirent des emplois lorsque le gouvernement privétisa de nombreux services et liquida son équipement routier. Les règlements concernant l’hygiène et la sécurité du travail ne furent plus respectées, et le salaire minimum fut rarement augmenté au cours des neuf années de gouvernement Devine. Les travailleurs accidentés eurent de plus en plus de mal à recevoir une indemnisation. Toute une gamme de programmes sociaux qui avaient servi aux travailleurs de filets de sécurité eurent à souffrir des réductions gouvernementales.

Les familles des travailleurs perdirent également du terrain au cours de ces années. Les contrôles fédéraux et provinciaux qui imposaient un plafond aux augmentations salariales du secteur public furent bientôt imités dans le reste de l’économie. Les unions, affaiblies par l’érosion de la législation syndicale et la négociation type, devinrent de moins en moins aptes à obtenir des augmentations importantes. Bien qu’ayant abandonné les doubles chiffres des années 1970, l’inflation était encore bien là, et assurait une lente mais constante augmentation du coût de la vie ; le pouvoir d’achat des travailleurs diminua au cours des années 1980 et 1990, et il diminue encore aujourd’hui. Dès les années 1980, la plupart des familles avaient deux revenus. Les femmes, qui étaient entrées dans la vie active en nombres croissants depuis quarante ans, en vinrent à représenter 44% de la main-d’oeuvre rémunérée. Beaucoup d’entre elles travaillaient afin d’acquérir une plus grande indépendance, d’autres pour la satisfaction que procure l’emploi ; mais la plupart travaillaient parce que leurs familles avaient besoin de deux revenus pour joindre les deux bouts. Les femmes syndiquées encouragèrent leurs unions à soutenir les principes d’équité salariale visant à éliminer les écarts entre les deux sexes. L’accès à de bonnes garderies abordables devint un autre sujet de préoccupation pour les travailleuses au sein du mouvement syndical.

En 1986, la province était lourdement endettée suite à une série de budgets déficitaires de la part des conservateurs. Rien, pas même la vente de sources de revenus appartenant à la Couronne dans l’industrie de la potasse, de l’uranium et des produits forestiers, ne fut capable de tirer la province de son déficit et de sa dette.

Problèmes d’actualité

Le mouvement syndical espérait que la défaite du gouvernement Devine par le NPD en 1991 marquerait le retour à des temps meilleurs pour les travailleurs et leurs unions. Mais cet espoir ne s’est pas matérialisé. Le NPD des années 1990, qui ne partageait pas l’empressement du gouvernement Blakeney à renverser la législation régressive de son prédécesseur, agit avec lenteur pour ne renverser que les aspects les plus irritants de la législation léguée par Devine. Il fallut attendre 1994 pour que la Loi sur les syndicats soit révisée, et cela en partie seulement. Le NPD blâma le chaos fiscal laissé par les conservateurs au lieu de sa propre incapacité à apporter de réelles améliorations à la vie des familles ouvrières. Le NPD voulait aussi avoir le milieu des affaires de son côté, et estimait donc que toute révision des lois sur le travail devrait faire partie d’un consensus ayant le soutien des employeurs.

La vitesse d’escargot à laquelle va la réforme des droits du travail a ravivé au sein du mouvement syndical la question de savoir si la Fédération du travail de la Saskatchewan et ses filiales ne devraient pas reconsidérer leur soutien automatique du NPD dans les élections provinciales. Le mouvement syndical attend encore des changements significatifs en faveur de l’équité salariale pour les femmes. Une autre demande au commencement du 21ième siècle concerne la mise en place d’une loi relative aux briseurs de grève : déjà votées en Ontario et au Québec, de telles lois empêchent les employeurs d’engager des briseurs de grève professionnels durant les conflits de travail. Une autre demante actuelle, celle des « heures les plus disponibles », voudrait offrir aux employés à temps partiel, dans par exemple les grandes surfaces, la possibilité d’accepter n’importe quelles nouvelles heures de travail disponibles, et ainsi de changer leur emploi partiel en un emploi à plein temps.

La main-d’oeuvre de la province est en train de vieillir : à la fin des années 1990, le travailleur moyen avait 39,7 ans – l’âge moyen le plus élevé au Canada. Il en est ainsi parce que les jeunes quittent régulièrement la province depuis les années 1970, à la recherche d’emplois dans les autres provinces. La plupart des jeunes qui entrent dans la vie active en Saskatchewan prennent des emplois « Mcjobs », à temps partiel et peu rémunérés, dans les restaurants-minute et les grandes surfaces parce qu’en général ce sont les seuls emplois disponibles, et aussi parce que le travail partiel s’accorde bien avec les exigences de l’éducation post-secondaire. Malheureusement, de nombreux jeunes, leurs études une fois complétées, quittent la province pour un marché du travail plus favorable. Ces employés bénéficient rarement de la protection syndicale ; les syndicats essaient de pousser les jeunes à se joindre à eux en organisant des lieux de travail comme Wal-Mart et les chaînes de restaurants-minute où tant d’entre eux travaillent. Les efforts actuels du mouvement syndical pour augmenter le salaire minimum et pour faire adopter une loi sur les « heures les plus disponibles » concernent aussi les jeunes travailleurs. Il semble que davantage de jeunes resteraient dans la province s’il existait davantage d’emplois intéressants.

Un autre problème confrontant la Saskatchewan est la nécessité d’offrir des possibilités d’emplois sérieux à une population autochtone jeune et en expansion. Le mouvement syndical de la province a soutenu la législation concernant l’équité en matière d’emploi, ainsi que les programmes visant à aider les autochtones à trouver des emplois. Des syndicats comme l’United Steel Workers of America (Union des métallurgistes d’Amérique) ont donné la direction : à partir des années 1970, les Steel Workers ont prévu, dans leurs accords collectifs avec les compagnies d’exploitation de l’uranium du nord de la Saskatchewan, des clauses réservant une proportion des emplois disponibles aux résidents autochtones.

La main-d’oeuvre salariée de la Saskatchewan a fluctué entre 400 000 et 450 000 travailleurs au cours des vingt dernières années. Il s’agit là du plus grand secteur professionnel de la province – bien plus important que le travail à son compte et l’agriculture. Les salariés de la Saskatchewan paient de loin la plus grande quantité d’impôts. Les femmes, qui représentent environ 44% de cette main-doeuvre, jouent un rôle de plus en plus important dans le mouvement syndical. Environ 20% des salariés appartiennent à des syndicats ; ce sont en général les travailleurs les mieux payés de la population active, et ceux avec le plus d’avantages. On demande souvent si les effectifs syndicaux ont cessé de grandir, et si les syndicats vont un jour recouvrer leur ancien niveau d’influence sur l’ordre public : tout ce que l’on peut dire est que les aspirations des travailleurs et de leurs familles vont jouer un rôle important dans la direction que prendra la Saskatchewan au cours du 21ième siècle.

Contributor: J.W. Warren
Translated By: Patrick Douaud

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